bandeau dépêche

La dépêche du CATC - ARTICLES ET FORMATIONS PROPOSEES

Dépêche / Mars 2018

Voir les autres dépêches

Extrait de roman

Henri Champavert

 

Extrait du roman de Laurent Gounelle « Et tu trouveras le Trésor qui dors en toi », proposé par Henri Champavert

 

Un petit passage sur les notions d’ego, de désir, dans les spiritualités orientales.

 

« Alice prit son inspiration et se lança.

-        Simple d’esprit …Je me suis toujours demandé pourquoi Lao-Tseu disait « Mon cœur est celui d’un simple d’esprit ». C’est bizarre, non ? …

Il prit une profonde inspiration, sorte de soupir laborieux.

-        Qu’est-ce que vous voulez savoir exactement ?

Sa voix avait changé de timbre. D’agressive, elle était passée à caverneuse.

-        Il y a quelques termes, quelques concepts, qui m’échappent, et que je veux comprendre. Comme cette notion de « simple d’esprit ».

Il but une longue gorgée, admira la teinte ambrée du breuvage, puis se mit à parler lentement. Ses formulations étaient précises mais la parole semblait lui coûter énormément, et il marquait fréquemment des pauses entre ses phrases.

-        Dans la bouche de Lao-Tseu, l’esprit ici désigne la mental. Le taoïsme rejoint ici l’hindouisme et le bouddhisme en appelant à se libérer du mental. Le mental, c’est cette cogitation incessante de la pensée qui prend l’ascendant sur le cœur et le corps, au détriment de l’intuition, de l’instinct, de la conscience d’être.

 

-        De la conscience d’être ?

Plusieurs secondes de silence.

-        Quand vous êtes dans le mental, c’est un peu comme si vous n’habitiez plus votre corps, n’écoutiez plus votre cœur, ne ressentiez plus votre existence : vous interprétez la réalité, le plus souvent en la déformant, vous prêtez aux autres des intentions qui ne sont pas les leurs, vous projetez vos peurs, vos problèmes, vos doutes, vos attentes. Vous réfléchissez les évènements au lieu de les vivre. Ces spiritualités orientales invitent à se libérer du mental, afin de ressentir les choses comme elles sont, dans l’instant présent, alors que le mental ne connaît que le passé et le futur.

Que le passé et le futur …

-        Je ne comprends pas bien le lien que vous faites entre le mental et le temps.

Il la regarda un instant puis reprit son inspiration. Aborder ces sujets lui pesait.

-        Votre mental interprète l’évènement qui arrive, ou la parole que quelqu’un prononce, en fonction de vos connaissances, de votre vécu personnel, de vos croyances et de vos convictions sur vous, les autres et le monde. Toutes ces choses émanent du passé. Et quand le présent vous fait ressentir de la peur c’est que vous projetez mentalement dans un futur imaginaire vos interprétations issues du passé. Le mental vous coupe ainsi du présent.

 

-        Et Lao-Tseu se comparait à un simple d’esprit parce qu’il s’était libéré de son mental, c’est ça ?

Silence.

-        Vraisemblablement…

 

Heureux les pauvres en esprit, disait Jésus. Il se référait à la même chose indubitablement. Et non à l’esprit de pauvreté, comme le curé parisien le lui avait dit.

-        Est-ce que … Est-ce qu’il y aurait un lien, quelque part entre le mental et …l’ego ?

 

-        L’ego est fondamentalement le fruit de la peur : peur de ne pas être assez, de ne pas avoir de valeur, notamment aux yeux des autres. Or les peurs infondées sont typiquement le produit d’un processus mental. Et ce sont aussi nos pensées qui nous amènent à nous prendre pour ce que nous ne sommes pas : le mental pousse l’ego à endosser des rôles. Le mental cultive l’ego.

 

…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….

-        J’aimerais avoir votre sentiment sur le péché, le fait de céder aux tentations…Lao-Tseu parle à plusieurs reprises du désir, et je me demandais si on pouvait faire un parallèle avec la notion de péché dans le christianisme.

Il continua de la fixer d’un œil très méfiant quelques instants, puis prit tranquillement son verre qu’il leva lentement, semblant admirer la robe du vin. Il le huma de nouveau.

-        Le désir dans les spiritualités orientales renvoie à l’ego : c’est l’ego qui désire un objet, une promotion, plus d’argent ou je ne sais quoi encore. Parce qu’avec l’objet du désir, l’ego ambitionne toujours de se renforcer, se valoriser. A travers ce qu’on désire, on cherche inconsciemment à accroître notre identité ou plutôt notre sentiment d’identité. Il faut dire qu’on tend à être confus sur qui on est, donc on ne sait pas trop comment être plus soi-même. On désire alors des choses pour tenter d’exister un peu plus grâce à elles. Quand vous désirez un vêtement, une voiture ou n’importe quoi d’autre, vous croyez inconsciemment que ce vêtement, cette voiture va ajouter quelque chose à qui vous êtes, va vous rendre spécial, intéressant, va vous apporter de la valeur. Bref, va renforcer votre identité. C’est une illusion, bien sûr, et les spiritualités orientales comme le taoïsme, le bouddhisme, l’hindouisme invitent à se libérer des désirs.

 

-        Pourquoi, finalement ? Où est le problème ?

 

-        Ca vire vite à l’esclavage. Comme le désir est basé sur une illusion, renforcer votre identité, l’objet du désir n’apporte pas ce qui est recherché, donc c’est une quête sans fin : vous désirez sans cesse de nouvelles choses, qui ne vous apportent jamais ce que vous recherchez. C’est pour ça que Lao-Tseu disait : Il n’est pas de pire calamités que le désir de posséder. Ou encore : Le Saint-Homme n’a d’autres désirs que d’être sans désir.

 

……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………..

 

Ca vire vite à l’esclavage… Alice se souvenait de cette parole de Jésus qui l’avait fait sourire : Quiconque comment le péché devient esclave du péché ».

-        Et dites-moi, à quoi pense Lao-Tseu quand il dit : Celui qui meurt sans cesser d’être a acquis l’immortalité.

Duvernet soupira bruyamment.

-        Vous m’aviez dit que c’était bientôt fini…

-        Presque.

-        C’est ma dernière question.

-        A la bonne heure grommela-t-il.

Il prit son inspiration.

-        Dans la plupart des spiritualités orientales, le travail consiste à faire mourir l’ancienne personne en nous pour renaître.

-        Pourquoi diable ?

-        Par exemple dans toute la pensée védique, c’est à partir de …

-        La pensée quoi ?

-        La pensée védique. Les Védas sont un ensemble de textes sacré indiens d’où découle l’hindouisme ancien. Je disais que dans la pensée védique c’est à partir de la mort que la vie s’envisage. L’Eveil n’est pas juste une évolution, un progrès, c’est une véritable bascule, comme un changement de nature en vous. Vous êtes là dans cette vie terre à terre, esclave de vos désirs, avec votre ego et tous les problèmes qu’il engendre et vous parvenez à basculer dans cette autre réalité de la vie, libre d’égo, libre de désirs, dans une plénitude de l’être. C’est donc comme si vous mourriez à un certain niveau pour revivre à un autre niveau.